D'une vie à l'autre: quand le corps se rappelle

Liza, huile, Helena Vallée-Dallaire
Visite de routine chez le médecin. Corine se soumet aux différents tests, y compris les incommodantes vérifications gynécologiques.  Au moment des prélèvements, elle ressent une douleur  à l'abdomen et un profond inconfort. Pourtant,  la médecin pose de gestes attentionnés et lents pour ne pas la brusquer.   

Au sortir de la consultation, le malaise persiste.  Cette tension dans le bas-ventre la plonge dans un état un peu nauséeux et instille un sentiment de grande tristesse. 

Quelques jours plus tard, la voilà de retour dans un cabinet médical, car elle accompagne une amie chez le gynécologue.  L'amie doit subir une chirurgie légère au col de l'utérus. Une opération mineure, mais qui requiert une anesthésie et le support de Corine pour raccompagner la copine à son domicile.   Or, pendant cette intervention pourtant pratiquée sur autrui, Corine, assise dans la salle d'attente,  ressent à nouveau cette  tension au bas-ventre et ce sentiment d'abattement.

Étrange. Ce réveil de la douleur l'interpelle vivement. Qu'est-ce que son corps exprime ainsi ?  Elle prend le temps de se questionner, de s'ouvrir à une réflexion qui va au-delà de la mécanique purement physique des tests médicaux. Il y a une trace émotionnelle qui émane de cet épisode et cette "double" réminiscence lui indique qu'elle doit creuser un peu plus loin pour laisser émerger l'origine de ce son malaise.    

Elle suit le cours de ses pensées, elle se questionne sur sa relation à sa féminité, à la maternité etc.  Elle s'interroge et laisse son ressenti la guider sans ses explorations, sans rien forcer, sans rien bousculer. 
Et puis voilà qu'au cours d'un repas en famille, alors que la discussion ne portait nullement sur cette question, Corine a un "flash".  Elle ressent que son malaise a trait à un avortement, ou un événement relié à un avortement.  Quelque chose d'ancien et de glauque. Cette impression fait sens, car elle a toujours été terrorisée à l'idée de subir un avortement. Et cette résistance n'est nullement idéologique ou basée sur des convictions éthiques ou religieuses, cela relève de l'affectif. Une impossibilité purement émotionnelle. Elle sait que si une grossesse indésirée survenait,  elle serait incapable de  faire le choix de subir un avortement. 

Elle me demande d'aller fouiller dans ses mémoires pour relever si elle garde un stigma relié à un avortement dans une vie passée et qui créerait cette peur viscérale qui la tenaille aujourd'hui. 

 Je vais effectivement relever une vie passée où elle avait décidée d'interrompre une grossesse qu'elle jugeait inconvenante. Dans cette vie, elle était mariée et aurait dû laisser naître cet enfant, mais elle avait choisi de ne pas restreindre sa liberté par l'arrivée impromptu d'un bébé qui l'aurait confinée au foyer. Or, à l'insu de son entourage, et de son mari, elle avait subi un avortement illicite dans des conditions douteuses.  L'intervention avait été douloureuse et bâclée. Elle en avait conservé de lourdes séquelles dont la stérilité.  Une décision amèrement regrettée qui avait affectée tant sa santé que sa relation avec son mari qui lui avait tenu rigueur de l'avoir privé d'une vie de famille et d'une progéniture espérée.  

Corine portait encore les traces affectives de cette mémoire. Et cette réminiscence à travers les douleurs de son corps a permis de l'en dissocier.  Au cours de la séance, je l'ai aidé à isoler cette mémoire, à neutraliser son incidence sur sa vie actuelle et à dissiper ses peurs à l'égard de l'avortement.  Là voilà plus allégée. 

Fascinant, n'est-ce pas, comment notre corps est si souvent notre grand allié pour nous indiquer des pistes de guérison, de libération émotionnelle.  Les événements de notre vie donnent prétexte à réveiller  des stigmas, des blessures émotionnelles bien tapies dans notre inconscient, mais qui demandent à être purgées.   J'aime à dire que nous sommes configurés pour l'autoguérison, mais nous sommes difficilement à l'écoute des signes que notre corps nous envoie pour aider à nous purger de nos encombrants émotionnels. 

L'histoire de Corinne est éloquente à cet égard, son attention a permis d'ouvrir les pistes pour aller au bout de cette empreinte importante de son histoire bien personnelle, et d'en tourner définitivement la page


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