Karine dégoupille ses angoisses pour se remettre à flot

Un vendredi soir exténuant. Karine s'installe derrière le volant de sa voiture et verrouille  la portière. Elle veut  être seule, totalement seule pour laisser ses sanglots éclater sans retenu. Voilà des heures qu'elle ravale ses pleurs et affiche un sourire construit devant les clients du restaurant.  L'établissement était bondé ce soir, une affluence imprévue de touristes affamés et impatients. Seule pour assurer le service, Karine a déployé toute son énergie pour être efficace, réduire l'attente, satisfaire. Malgré ses efforts, les soupirs contrits et les regards froissés des clients lui drillaient le plexus solaire. Et là, au bout milieu de sa poitrine, il y a une boule d'angoisse comme un feu ardent.

Elle ouvre avec empressement la portière pour vomir un grand coup, puis se laisser choir contre le dossier du siège, à bout de force. Vannée. Elle vient d'affronter sa pire hantise, celle qui la réveille la nuit quand dans ses rêves toujours très fantaisistes surgit un cauchemar. Toujours le même: une horde de clients déferle dans le resto comme une vague qui la submerge. Et la vague l'écrase comme un moustique.

Ce soir, elle se sent petite et indésirée comme ce moustique.  "Je suis nulle, se reproche-t-elle, pas assez rapide, pourtant j'essaie, mais je me sens dépassée, incapable de remplir correctement mes tâches..."
Karine est loin d'être nulle. C'est une jeune femme, vive, brillante, enjouée. Confrontée à des situations de stress, elle perd sa contenance, rapetisse à vue d'oeil.  Quitter cet emploi serait une sortie de secours très alléchante. Toutefois, cela ne règlerait rien.  Le problème de fond resurgirait ailleurs, quand elle attirera de nouveau dans sa vie des situations qui la confronteront avec cette faiblesse.
Emportée par ses émotions, elle s'insurge d'abord contre son patron qui aurait dû prévoir une serveuse supplémentaire pour assurer le service. Puis, elle se ravise.  Elle pense à une collègue qu'elle a déjà observé pédaler dans des situations aussi exigeantes sans fléchir, sans qu'elle se laisse engloutir par la vague, mais en allant à sa rencontre avec une montée d'adrénaline.  "Je prends la vague de plein front se dit Karine,  alors que ma collègue s'amuse à la surfer, comme un défi. Notre attitude est complètement différente face à la même situation. Pourquoi est-ce que je mets les freins là ou d'autres poussent l'accélérateur? La peur?"
Mais peur de quoi, de qui, d'elle-même?
Alors avec mon aide, on plonge dans ses émotions, derrière cette boule qui lui brûle les entrailles, pour dénicher l'origine de cette peur et la dégoupiller. Au cours de la séance, la peur se fait évasive, difficile à cerner. Et puis doucement, on arrive à l'isoler. Il y a d'abord une fragilité instillée par une vie antérieure.  L'épisode me vient à l'esprit comme un bout de film: je vois Karine jeune fille, à l'embauche d'une famille assez aisée. Elle a beaucoup de tâches à accomplir. Un jour on lui demande d'aller chercher un fillette d'environ 3 ans dans un lieu public. Quelqu'un doit la déposer et Karine doit la récupérer. Absorbée par ses autres corvées, Karine oublie d'aller chercher l'enfant. Elle se précipite sur les lieux de longues heures plus tard après avoir, avec horreur, pris conscience de son étourderie. L'enfant est là, en boule sous un arbre, à bout de larmes, tremblotante. Cette petite gardera des stigmates de cet incident, elle commencera à bégayer et à se réveiller la nuit en proie à des cauchemars. Karine restera très affligée d'avoir blessé quelqu'un par sa négligence.
Dans cette vie-ci,  les séquelles de cette mémoire alimentent sa difficulté à composer avec plusieurs éléments à la fois;  par peur de commettre une faute,  elle tente d'esquiver toute situation de stress et se réfugie souvent dans l'inaction et la paresse, pour se mettre à l'abri.
Mais il y a d'autres couches aussi, qui creusent encore plus cette fragilité.  Une autre mémoire ressurgit; une situation difficile vécue dans sa petite enfance. À la naissance de son petit frère, Karine a deux ans. C'est une enfant extrêmement précoce, elle parle, bouge se comporte comme si elle avait 4 ans. Le bébé est plus apathique,  comme une grosse poupée de chiffon, constamment collé sur sa mère,  nullement pressé de se mettre en action. La maman décide d'inscrire Karine en garderie pour souffler un peu, au moins quelques après-midi par semaine, car la petite emportée par sa fougue enfantine papillonne constamment autour d'elle, sans lui accorder beaucoup de répit.
Karine réagit extrêmement mal à ce changement. Dès que sa mère la dépose à la garderie elle hurle de toute la force de ses poumons, comme si elle était martyrisée. Et le soir, elle s'accroche à sa mère, pour s'assurer qu'elle la ramène avec elle.  Son passage à la garderie a duré une petite semaine parce que cette séparation était trop déchirante pour Karine et la maman.  Malgré tout, le traumatisme vécu a laissé ses marques. Karine a ressenti son entrée à la garderie comme un abandon, mais surtout comme une punition d'être si agile et animée. Le bébé, mou et indolent, lui, restait avec maman. Une association se fait dans sa tête d'enfant: mieux vaut être lente et passive pour être aimé. Le trop plein d'activité, ou de vie, attire les foudres, les reproches ou les punitions. Et il nous prive de l'affection et de la présence de nos amours.

Ces traumatismes, une fois délogés et nommés, ont été nettoyés dans les corps physique et énergétique de Karine, pour qu'ils n'entravent plus ses élans et n'altèrent plus sa confiance en ses capacités; pour qu'elle se laisse porter avec plus d'aisance par le mouvement de la vie...

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 Source de la photo:  Facebook,  Les Merveilles de la Terre



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